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Chirurgie dentaire féline

Les chats ont des particularités.

Mais vous qui vivez avec un chat le savez bien !

En Odontostomatologie, les chats se distinguent en présentant souvent des affections que l'on n'observe que beaucoup plus rarement dans d'autres espèces.

Pendant longtemps, le chat a été un délaissé de la médecine vétérinaire. On le considérait jusqu'à peu de temps comme un petit chien. Cela explique en partie pourquoi la médecine féline a littéralement explosé ces dernières années avec cette prise de conscience que le chat est une espèce à part.

Nous parlerons ici de deux de ses particularités que nous rencontrons... hélas pratiquement chaque jour !

Les lésions de résorption dentaire

Les Gingivo-stomatites chroniques félines (GSCF)

Pour autant, il est bien entendu que le chat, comme le chien ou bien nous-mêmes, peut présenter des affections plus communes, comme une fracture ou un abcès dentaire...

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Attention !
Ces pages contiennent des photos de chirurgie dentaire qui pourraient choquer certaines personnes.

Lésions de résorption dentaire

 

Ces lésions sont encore assez mystérieuses.

Elles correspondent à un mécanisme qui "grignote" la dent petit à petit, à tel point qu'il peut ne rien en rester du tout à la fin !

Comment ces lésions apparaissent-elles ?

Nous ne savons pas tout mais il semble que le mécanisme de départ pourrait être un défaut de cicatrisation des petits défauts qui arrivent avec le temps sur le cément (partie qui constitue la racine de la dent), ou bien un défaut du cément lui-même.

Quoiqu'il en soit, ces lésions progressent et finissent par atteindre la pulpe dentaire (ce qui crée une intense douleur) et, à terme, par détruire la couronne de la dent et/ou sa racine avec.  

Ces lésions sont TRÈS FRÉQUENTES ! On estime en effet que 1/3 des chats seraient porteurs de ces lésions. Mais ce serait même sans doute sous-estimé parce que certains spécialistes déclarent détecter deux fois plus de lésions en faisant des bilans radiologiques de routine !

C'est pour cela que nous réalisons systématiquement un bilan radiologique de toutes les dents avant de faire des soins dentaires chirurgicaux.

A quoi ces lésions ressemblent-elles ?

De façon statistique, les dents les plus touchées par cette affection sont les prémolaires 3 inférieures (qui sont en fait les première prémolaires visibles après les canines, les chats n'ayant pas de premières et deuxièmes prémolaires inférieures)

La dent atteinte semble creusée et un tissu inflammatoire vient rapidement combler le trou qui s'agrandit progressivement. Il y a aussi très souvent une intense inflammation de la gencive tout autour de la dent.

On distingue 5 stades de résorption dentaire selon l'importance de l'atteinte de la dent. Evidemment, plus le stade est élevé, plus les lésions sont graves et plus la douleur est importante.

Afin de bien comprendre les différents stades, un court rappel d'anatomie s'impose:

  • La dent est composée :

    • d'une couronne, partie visible,

    • et d'une ou plusieurs racines composées de cément (structure calcifiée à un degré moindre que dans la dentine ou l'émail de la couronne), inclues dans les alvéoles osseuses des mâchoires.

  • De l'extérieur vers l'intérieur, la couronne est composée:

    • d'une fine couche d'émail (structure très calcifiée, très dure),

    • de la dentine (structure un peu moins calcifiée qui forme la plus grande partie de la couronne)

    • et de la chambre pulpaire (cavité recevant des vaisseaux sanguins et des nerfs)

Les 5 stades:

  • Stade 1: l'émail est atteint.  La lésion est superficielle et peut facilement passer inaperçue parce qu'à ce stade, il n'y a pas beaucoup d'inflammation, et pas de douleur.

  • Stade 2: la dentine est atteinte. La dentine est en communication avec la pulpe dentaire: la lésion peut commencer à créer une certaine "sensibilité", un peu comme quand on a une légère douleur à une dent avec du froid par exemple...

  • Stade 3: la lésion s'étend à la chambre pulpaire mais la couronne de la dent garde un aspect habituel. La douleur est importante, bien que les chats ne le montrent pas vraiment souvent. La pulpe, envahie par les bactéries de la bouche, se nécrose ("meurt") rapidement.

  • Stade 4: la couronne est très destructurée. Elle semble comme "grignotée" et ne ressemble plus trop à une dent...

  • Stade 5: à ce stade final, soit le processus de résorption aboutit à la destruction complète de la dent, y compris de ses racines, et tout est remplacé par un tissus osseux de cicatrisation, soit un ou plusieurs morceaux de racines subsistent et font durer la douleur et l'inflammation. La gencive peut cicatriser en partie mais on voit souvent des "points chauds", zone rouge ) l'emplacement de la racine traduisant la présence d'une inflammation résiduelle.

Que doit-on faire ?

Hélas, ces dents continuent à se résorber en causant de la douleur si on les laisse en place. Il n' a pas de solution de "réparation", du moins à l'heure actuelle.

Le traitement de choix est d'extraire chirurgicalement le plus rapidement possible toute dent  porteuse d'une lésion de résorption identifiée, même débutante. 

Les clichés radiographiques des dents atteintes sont indispensables, à la fois pour identifier les morceaux de racines restés dans les alvéoles dentaires mais aussi pour vérifier après leur extraction qu'aucun morceau de dent n'a été laissé ! Car, dans ce cas, l'inflammation et la douleur ne disparaîtront sans doute pas...

 

Le diaporama suivant vous montrera quelques exemples de lésions de résorption:

Encore une fois: personnes sensibles, abstenez-vous !

Le défilement des images se fait grâce aux flèches latérales.

Vous pouvez cliquer sur une photo pour afficher le diaporama dans une page séparée et vous aurez alors la possibilité d'agrandir les photos à l'aide d'une commande située en haut à gauche de cette nouvelle page.

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Résorptions
GSCF

Les Gingivo-stomatites chroniques félines : GSCF

On regroupe sous cette dénomination des lésions inflammatoires durables de la cavité buccale, de type ulcératif (lésions qui creusent)  et/ou  prolifératif (lésions qui produisent des tissus supplémentaires).

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Ulcère de

la langue

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Zone

proliférative caudale

Ces lésions concernent essentiellement les zones les plus profondes de la cavité buccale (dites "caudales", c'est-à-dire "en direction de la queue"). Les gencives sont souvent concernées par ces lésions inflammatoires (gingivite) mais de nombreuses autres parties de la cavité buccale sont souvent également atteintes et on parle plus généralement de stomatite qui veut dire "inflammation de la bouche"

Quels sont les symptômes de ces GSCF ?

Généralement, les chats atteints ont une inflammation buccale très importante. Les chats n'expriment pas beaucoup leur douleur mais généralement, la douleur est dans ce cas facile à identifier.

Ce sont donc des chats qui ont une bouche très inflammée (rouge), qui salivent souvent de façon importante et ont des difficultés à s'alimenter et à déglutir. Ils ont perdu souvent pas mal de poids, ont une mauvaise haleine et ne veulent pas qu'on leur touche la bouche.

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Quelle est la cause de cette inflammation si importante ?

Il reste encore beaucoup de choses à découvrir mais on sait que

cette inflammation est le résultat d'une réaction inadaptée et excessive

du système immunitaire présent dans la cavité buccale.

La bouche est un endroit à haut risque. On y trouve plus de bactéries qu'autour de l'anus !

Normalement, le système immunitaire buccal a pour rôle d'éviter un envahissement de l'organisme par ces bactéries, et aussi par des virus également présents.

Et il y arrive très bien ! Lorsque des bactéries ou des virus dangereux arrivent dans la bouche, ils sont repérés et le système immunitaire réagit, provoquant ainsi cette réaction inflammatoire buccale: la fameuse gingivo-stomatite.

Cependant, ce système immunitaire peut se détraquer et réagir de façon exagérée face à la présence de micro-organismes sans danger réel, un peu comme s'il "prenait peur" sans raison. Si ces réactions anormales se produisent à l'encontre de micro-organismes habituellement dans la cavité buccale, l'inflammation qui en résulte a des chances de durer longtemps, voire de persister et l'on parle de lésions chroniques.

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On a beaucoup cherché à savoir quels étaient les principaux responsables de cette affection.

Pendant longtemps, on a incriminé le calicivirus qui est effectivement présent chez 100% de chats présentant une stomatite caudale.

Cependant, les chats ayant des gingivo-stomatites sans atteinte caudale (profonde) ont un pourcentage de portage de calicivirus identique à celui de chats sains.

Actuellement, on pense que ce virus jour un rôle dans la genèse de cette réaction immunitaire disproportionnée mais on ne sait pas encore exactement à quel niveau.

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CALICIVIRUS

CALICIVIRUS

CALICIVIRUS

CALICIVIRUS

Si ce virus n'est pas le seul responsable, c'est donc qu'il a y association de malfaiteurs. Or, même si l'on a beaucoup cherché ces autres malfaiteurs et, même si l'on suspecte également fortement certaines bactéries, comme les pasteurella et les Tannerella, d'être des acteurs majeurs de cette maladie, il reste encore actuellement beaucoup de points à élucider.

Que peut-on faire ?

 

 

Historiquement, les AIS, anti-inflammatoires stéroïdiens ("cortisone"), ont été le seul traitement envisagé. Il est vrai que ces AIS améliorent les symptômes de GSCF de façon impressionnante, que cela soit par voie orale (comprimés) ou injectable. 

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Cependant, leurs effets ne durent pas et, le temps passant, il faut rapidement augmenter le dosage pour obtenir les mêmes effets.  De plus, ces anti-inflammatoires interfèrent avec le système immunitaire en diminuant son efficacité et ils ont aussi rapidement des effets secondaires néfastes...

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Pour toutes ces raisons, d'autres traitements ont été envisagés et essayés.

Il serait trop long de tout détailler ici tellement on a entendu et on entend encore de propositions, souvent peu scientifiques. En effet, cette affection étant à la fois assez dramatique et très difficile à contrôler, beaucoup de propriétaires d'animaux cherchent désespérément des solutions, quitte à envisager les marabouts, pierres guérisseuses et autres potions miracles.

Actuellement, le traitement repose sur deux éléments fondamentaux:

  • Contrôler la douleur et améliorer la qualité de vie

  • Eliminer les causes d'inflammation buccale d'origine dentaire

Ces deux éléments sont étroitement liés: le traitement dentaire permet effectivement souvent -mais pas toujours et nous y reviendrons-  de supprimer la douleur liée aux lésions inflammatoires.

Antalgiques et anti-inflammatoires

Membres de Capdouleur, nous vous assurons de mettre tout en œuvre pour anticiper et contrôler la douleur de vos animaux.

Les antalgiques sont à utiliser sans modération et le plus tôt possible: anti-inflammatoires NON-stéroïdiens ayant un effet antalgique, dérivés morphiniques ou morphiniques vrais dans les cas les plus graves.

Leur administration permet d'attendre les soins dentaires chirurgicaux.

Lors de l'intervention chirurgicale dentaire, on utilise des morphiniques injectables administrés en perfusion continue tout au long de l'opération. Des anesthésies locales sont également réalisées pour bloquer l'innervation des 4 arcades dentaires.

Puis, dans la phase post-opératoire, des morphiniques en patch à diffusion continue sur plusieurs jours, injectables, ou oraux sont prescrits. 

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Traitement chirurgical dentaire

Actuellement, le traitement conseillé en première intention consiste en l'extraction de toutes les dents concernées par des processus inflammatoires chroniques délabrants

En pratique, cela revient souvent à extraire toutes les dents (extractions totales, dents rouges ET jaunes sur le dessin), ou en tout cas les prémolaires et molaires en laissant les incisives et canines (extractions sub-totales, dents rouges seules).

Cela peut paraître disproportionné, voir même barbare, mais il a été prouvé que cette intervention radicale permet d'obtenir les meilleures scores d'amélioration de nos patients atteints de GSCF.

En effet, des études récentes indiquent que 50 à 60% des chats atteints sont considérés guéris, 20 à 30% améliorés significativement (mais nécessiteront des traitement en complément). Seulement 20% ne sont pas améliorés du tout par cette intervention.

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C'est une intervention lourde qui requiert un protocole particulier:

  • Bilan pré-opératoire

    • Plus ou moins étendu l'état et l'âge du patient

    • Comportant un test de dépistage du virus de la leucose féline et du virus de l'immunodéficience féline 

    • Le dépistage du calicivirus, même s'il a été longtemps préconisé, n'est plus réalisé actuellement parce qu'il n'apporte aucun élément utile quant à la prise en charge médicale et chirurgicale.

  • Vétérinaire compétent en chirurgie dentaire féline.

    • En effet, il va falloir extraire 14 dents en moyenne. Ces dents ont 2 racines chacune pour la plupart,  ces racines sont très petites (1-2 mm de diamètre !), souvent en forme de crochets et se terminent très fréquemment par des renflements arrondis rendant leurs extractions particulièrement délicates.

    • L'opération va nécessiter 2 à 3 heures de travail pour un chirurgien habitué à cette intervention et la concentration doit rester maximale tout ce temps afin de ne pas risquer de casser des racines qu'il faudra aller rechercher ensuite, ce qui augmenterait le temps opératoire et les risques...

  • Radiographie dentaire:

    • Pas de soins dentaires corrects sans radiographie !

    • Nous faisons des radiographies de toutes les dents et souvent sous des angles différents afin d'estimer les lésions invisibles à l'œil mais bien présentes: lésions osseuses, abcès, kystes, lésions de résorption associées, fractures....

    • Mais ces radiographies nous sont également précieuses pour visualiser chaque racine, sa courbure et ses particularités afin d'anticiper une extraction complexe qui pourrait aboutir à une fracture racinaire.

    • Enfin, sans radiographie post-extractions, il est impossible de vérifier que les racines ont bien été retirées dans leur totalité et l'on s'expose ainsi à une persistance des lésions inflammatoires.

  • Equipe chirurgicale rodée: la gestion de ces patients nécessite d'avoir établi un protocole chirurgical précis:

    • Technique et instrumentation adaptées,

    • Aide opératoire expérimentée

    • Anesthésie adaptée: intubation trachéale OBLIGATOIRE, monitoring anesthésique

    • Protocole anti-douleur renforcé avec anesthésies locales pour toute la bouche 

    • Dispositifs pour limiter les risques d'hypothermie, fréquents lors d'intervention durant plus d'une heure

  • Suivi post-opératoire hospitalier - équipe médicale rodée

    • Hospitalisation de deux jours en moyenne, au calme

    • Mise en place d'une sonde d'alimentation naso-gastrique pour réalimenter rapidement 

    • Auxiliaires de soins compétents en nursing post-opératoire de ces chats opérés

    • Anti-inflammatoire antalgiques et antibiotiques

    • Produits stimulants l'appétit

Traitement des cas réfractaires

Lorsque les chats atteints de lésions graves font partie des 20% non améliorés par les soins chirurgicaux d'extractions dentaires, 3 possibilités sont envisageables:

  • La ciclosporine, qui est un immunosuppresseur donnant semble-t-il de bons résultats. Son efficacité est en cours d'évaluation.

  • L'interféron omega félin, qui est un immunomodulateur permettant de contrôler en partie l'inflammation buccale résiduelle. Son efficacité a été démontrée par des études de haut niveau d'évidence.

  • Les anti-inflammatoires stéroïdiens. Comme nous l'avons vu, leur usage n'est pas recommandable en première intention. cependant, pour des cas graves et réfractaires , leur utilisation reste possible, en évitant toutefois des injections de produits à longue action.

En conclusion, la gestion de ces chats atteints de lésions inflammatoires buccales chroniques n'est pas simple et demande à la fois un investissement radical et une forte confiance vétérinaire-client, les résultats demandant souvent beaucoup de temps pour se manifester.

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